
Après quelques années à vivre sur la côte ouest canadienne, entourée de forêts anciennes et d’une communauté d’herboristes vibrante, je suis revenue vivre à Montréal au milieu des années 90. Au départ, j’avais l’impression d’être dans un environnement si hostile, froid et recouvert de béton. Mais en peu de temps, j’ai commencé à retrouver mes alliées vertes un peu partout : des pissenlits dans les fissures de trottoirs, du plantain et de l’achillée millefeuille au cœur des parcs, de la prunelle et du tussilage s’immisçant dans les plates-bandes et les ruelles. Même ma très chère agripaume, qui m’a soutenue quotidiennement tout au long de cette difficile transition, aime élire domicile au milieu de la flore urbaine. Et que dire des abords de chemins de fer, là où une flore tellement diversifiée s’épanouit, les semences étant ramenées des campagnes par les trains! C’est presque magique! Bien sûr, la cueillette n’est pas toujours possible en ville (et ne l’est jamais aux abords de chemins de fer) : il faut être prudent puisque parfois, les sols sont trop contaminés. Cela dit, devoir laisser plusieurs de ces plantes en place n’est pas si mauvais puisque les plantes médicinales soignent les humains, mais elles soignent aussi la terre.

Cette connexion, ce savoir ancestral sont tout naturels pour les enfants qui y sont exposés, tout comme ils l’étaient pour l’humanité jusqu’aux derniers siècles. Je le vois avec mes enfants, qui ont grandi entourés de ce savoir. Je me rappelle la surprise de ma fille lorsqu’elle a constaté que son enseignante de maternelle ne connaissait pas le chardon-Marie et l’enthousiasme de mon fil à donner du plantain à un ami qui s’était fait une éraflure. C’est pour cela aussi qu’en rencontrant l’herboristerie à 19 ans, j’ai ressenti de la tristesse de ne pas avoir appris cela à 5 ans. J’avais l’impression de retrouver mon héritage, qui est en fait l’héritage de tous les peuples.


Aussi, lorsque nous buvons une plante qui nous fait du bien, notre corps le reconnaît et nous dit merci, par une joie profonde et un grand sentiment de satisfaction, pas seulement sur le plan intellectuel, mais aussi viscéral. Je n’ai jamais ressenti cette joie lorsque je prends un complexe B! Par exemple, durant la période suivant mon retour à Montréal que j’ai mentionnée plus tôt, je travaillais dans une herboristerie. Le stress de cette transition m’affectait de plusieurs façons, notamment par de petits brûlements d’estomac. Lorsque je devais servir ou ensacher de la reine des prés, l’odeur était devenue tout bonnement enivrante. Mon corps en avait besoin et me le faisait savoir.
Au cours des années, j’ai compris à quel point notre corps sait et nous informe de nos besoins et de ce qui pourrait nous faire du bien. Je le vois aussi avec mes clients lorsqu’ils me parlent des plantes qu’ils ont prises durant le mois et qu’un sourire apparaît sur leur visage. Eux aussi commencent à les aimer d’amour, ces plantes... Ce qui m’amène à vous parler de cet autre côté merveilleux d’être herboriste, qui est de devenir une espèce d’intermédiaire, de messager entre le monde des humains et le monde végétal fongique. Lorsque nous présentons une plante ou un champignon à un client, c’est souvent comme lui présenter des amis. Cela peut être l’occasion pour lui de soigner non seulement un déséquilibre ou un symptôme, mais aussi sa relation avec la nature. Il s’ouvre alors à un espace profondément joyeux. Découvrir et partager cet amour avec d’autres, herboristes et clients, est en fait à la source de ma motivation.
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