Au-delà des chemins battus : le folklore du plantain

Jun 21 / Vanessa Champagne

Le plantain pousse là où l’homme met le pied, bordant abondamment les chemins.

À l’époque de la colonisation en Amérique, on disait que cette plante poussait là où l’homme blanc posait le pied. Elle était communément appelée « Englishman’s foot » (le pied de l’Anglais) ou « white man's foot » (le pied de l’homme blanc). Le plantain, plante non native de l’Amérique, y fut introduit par inadvertance par les colons européens arrivés par bateau. Après leur arrivée, la plante s’est répandue là où ils s’installèrent.

Utilisé depuis l’Antiquité, le plantain est surtout reconnu pour ses vertus bénéfiques pour la peau. Il agit comme un pansement naturel. Autrefois, il était d’ailleurs utilisé sur les champs de bataille pour soigner les blessures. C’est ainsi qu’il fut surnommé « soldier's herb » (la plante du soldat).

Le plantain est réputé pour ses vertus magiques associées au courage, à la confiance et à la croissance personnelle. On lui attribue le pouvoir de nous aider à surmonter les épreuves et à relever des défis personnels, nous aidant à faire fi de la négativité et à poursuivre notre trajectoire.

En magie, le plantain était également utilisé pour garantir le succès aux jeux de hasard, pour les exorcismes et pour arrêter les cauchemars. Un ancien sort de l’Antiquité consistait à brûler les graines de plantain et de lin pour obtenir des visions de l’avenir. Certains affirment que méditer avec le plantain favoriserait, en effet, la clairvoyance. En Scandinavie, les enfants l’utilisaient dans les jeux de divination pour prédire le nombre d’enfants à avoir.

Autrefois, il était recommandé de placer du plantain sous l’oreiller pour se protéger des esprits de la nuit. De plus, porter une amulette de plantain aiderait à surmonter la peine ou le deuil. En Chine et en Europe, le plantain était également un symbole de fécondité. On le touchait et le cueillait pour s’assurer d’avoir beaucoup d’enfants.

Plants de plantain au soleil

Pour remédier à la jaunisse ou à la fièvre, on croyait autrefois qu’il suffisait d’uriner sur les feuilles de plantain. En médecine, à l’époque, le plantain était employé pour traiter les morsures de serpents. Culpeper, un herboriste, botaniste et médecin du XVIIe siècle, le recommandait aussi pour les morsures de « chiens enragés », pour « prévenir tous les tourments ou excoriations des intestins » (traduction libre) et pour les conditions de chaleur dans l’utérus.

Dioscoride, médecin, pharmacologue et botaniste de la Grèce Antique, conseillait de porter cette plante en amulette contre les « tumeurs scrofuleuses », une affection caractérisée par un gonflement des ganglions lymphatiques causée par la tuberculose. Il la décrivait comme une plante asséchante et liante, qui permettait d’arrêter le sang et d’aborder « tous les ulcères malins et lépreux ».

Sebastian Kneipp, pour sa part, un prêtre catholique allemand du 19e siècle, connu pour ses contributions à la naturopathie et à l’hydrothérapie, écrivit sur l’importance du plantain pour les paysans de l’époque qui l’utilisaient pour soigner leurs blessures. Voici comment il expliquait la capacité du plantain à refermer les plaies en évitant l’infection : « Il coud la plaie béante ensemble comme avec un fil d’or, et comme la rouille ne se forme jamais sur l’or, toute infection et chair décomposée s’éloignent du plantain » (traduction libre). Poétique, non?

Le plantain était connu sous le nom de « waybread » par les Anglo-Saxons et figurait parmi leurs neuf plantes sacrées. Dans leur charme des neufs plantes (Nine Herbs Charm, en anglais), il était utilisé contre « le piétinement des sabots de taureau, le grincement des roues de chariot, et pour résister au venin qui vole et aux êtres non désirés qui errent sur terre » (traduction libre).

Feuille de plantain

Traditionnellement, à certains endroits en Europe, le plantain était cueilli la veille du solstice d’été pour se protéger de la magie des fées, avec le millepertuis, l’armoise, le souci des champs, le sureau nain, le lierre, la verveine et la joubarbe

On dit du plantain qu’il peut aider ou perdre le voyageur. À Renne, au XVIe siècle, une croyance voulait que de mettre des feuilles de plantain sous la semelle gauche ainsi que trois grains de sel rendait invisible. En Franche-Comté, on croyait que celui qui marche sur le plantain perd son chemin. Puis, en Angleterre, au XVIIIe siècle, on suspendait de petits bouquets de plantain dans les diligences en guise de porte-bonheur.

Maia Toll, herboriste et auteure, dit que le plantain raconte des histoires de voyages, de promenades en trains et de traversées de l’océan. Maia nous enseigne que cette plante voyageuse nous amène à avoir le courage de sortir de notre zone de confort, en nous poussant à visiter de nouvelles voies. Cette plante nous pousse aux frontières de la civilisation. Elle dit aussi que le plantain, tout comme il peut extraire le poison d’une plaie, parvient également à extraire ce qui est retenu dans le corps énergétiquement, comme nos émotions enfouies.

J’aime sa façon de percevoir cette plante. Tout cela résonne en moi. Et si nous laissions le plantain nous inspirer le courage de nous aventurer et d’emprunter de nouvelles voies?

Références : McGarry (2005), Rose (2022), Bundy et Belew (2023), Schulke (2022), Culpeper (1652/1814), Wood (1997), Toll (2018), Bertrand (2000)

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